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Miroitage L’invention de la photographie appartient à deux hommes dont les travaux et le rôle respectif dans cette grande découverte sont très nettement établis. Joseph-Nicéphore Niepce a, le premier, trouvé le moyen de fixer, par l’action chimique de la lumière, l’image des objets extérieurs ; Louis-Mandé Daguerre a perfectionné les procédés photographiques de Niepce, et a découvert dans son ensemble la méthode générale actuellement en usage. Joseph Niepce était un simple propriétaire de Châlons qui vivait retiré avec sa famille dans une maison de campagne aux bords de la Saône. Aidé de l’un de ses frères, Claude Niepce, qui possédait des connaissances étendues dans les arts mécaniques, il consacrait ses loisirs à des recherches de science appliquée. Les frères Niepce s’occupèrent ensemble, en 1806, de la construction d’une machine motrice dans laquelle l’air, brusquement chauffé, devait remplacer l’action de la vapeur. Cette machine attira l’attention de Carnot, qui en fit l’objet d’un rapport à l’Institut. La culture du pastel, à laquelle ils se livraient, leur donna ensuite l’occasion de préparer avec cette plante une matière colorante identique à l’indigo des Indes, question d’une haute importance à une époque où les guerres extérieures privaient le commerce français des produits coloniaux. Enfin, une invention des plus précieuses pour les beaux-arts vint changer la direction des travaux de Niepce. La lithographie venait d’être importée en France, et cet art curieux fixait alors toute l’attention des industriels et des artistes ; partout on fouillait les carrières pour y chercher du calcaire lithographique. Niepce fit divers essais de reproduction sur quelques pierres d’un grain délicat destinées à être broyées sur la route de Lyon. Ces tentatives ayant échoué, il imagina de substituer aux pierres un métal poli. Il essaya de tirer des épreuves sur une lame d’étain avec des crayons et des vernis lithographiques. C’est dans le cours de ces recherches qu’il conçut l’idée d’obtenir sur des plaques métalliques la représentation des objets extérieurs par la seule action des rayons lumineux. Par quelle série de transitions mystérieuses Niepce fut-il conduit, en partant de simples essais typographiques, à aborder le problème le plus compliqué, le plus inaccessible peut-être de la physique de son temps ? La question serait bien difficile à éclaircir. Niepce était fort éloigné d’être ce que l’on nomme un savant. Il appartenait à cette classe d’infatigables chercheurs qui, sans trop de connaissances techniques, avec un bagage scientifique des plus minces, s’en vont loin des chemins courus, par monts et par vaux, cherchant l’impossible, appelant l’imprévu ; Niepce, pour tout dire, était un demi-savant. La race des demi-savans est trop dédaignée ; il est peut-être bon de n’en pas trop médire. Les demi-savans font peu de mal à la science, et, de loin en loin, ils ont des trouvailles inespérées. Précisément parce qu’ils sont malhabiles à apprécier d’avance les élémens infinis d’un fait scientifique, ils se jettent du premier coup tout au travers des difficultés les plus ardues ; ils touchent intrépidement aux questions les plus élevées et les plus graves, comme un enfant insouciant et curieux touche, en se jouant, aux ressorts d’une machine immense, et parfois ils arrivent ainsi à des résultats si étranges, à de si prodigieuses inventions, que les véritables savans en restent eux-mêmes confondus d’admiration et de surprise. Ce n’est pas un savant qui a découvert la boussole, c’est un bourgeois du royaume de Naples ; ce n’est pas un savant qui a découvert le télescope, ce sont deux enfans qui jouaient dans la boutique d’un lunetier de Middlebourg ; ce n’est pas un savant qui a découvert les applications de la vapeur, c’est un ouvrier ; ce n’est pas un savant qui a trouvé la vaccine, ce sont les bergers du Languedoc ; ce n’est pas un savant qui a imaginé la lithographie, c’est un chanteur du théâtre de Munich ; ce n’est pas un savant qui a imaginé les aérostats, c’est une femme, Mme Montgolfier, un jour qu’elle s’avisa de faire sécher son jupon sur un panier ; ce n’est pas un savant qui a découvert le galvanisme, c’est un médecin de Bologne qui, en traversant sa cuisine, s’arrêta devant sa ménagère, occupée à préparer un bouillon aux grenouilles. Il est donc prudent de ménager un peu cette race utile des demi-savans. C’est peut-être parce que Niepce n’était qu’un demi-savant que la photographie existe. Si Niepce, par exemple, eût été un savant complet, il n’eût pas ignoré qu’en se proposant de créer des images par l’action chimique de la lumière, il se posait en face des plus graves difficultés de la science humaine ; il se fût rappelé qu’en Angleterre l’illustre Humphry Davy, le patient Wedgewood, après mille essais infructueux, avaient déclaré le problème insoluble. Le jour où cette pensée audacieuse entra dans son esprit, il l’eût donc reléguée aussitôt à côté des rêveries de Wilkins ou de Cyrano Bergerac ; il eût tout au plus poussé un soupir de regret et passé outre. Heureusement pour nous, pour la science, pour les arts, Niepce n’était savant qu’à moitié. Il ne s’effraya donc pas trop des difficultés qui l’attendaient. Il ne pouvait guère prévoir qu’une question en apparence si simple allait lui coûter vingt années de recherches, et que la mort le surprendrait avant qu’il eût reçu la récompense et la satisfaction légitime de ses travaux. Les essais photographiques de Niepce remontent à l’année 1813 ; c’est dans les premiers mois de 1814 qu’il fit ses premières découvertes. Les principes de ses procédés photographiques étaient d’une simplicité merveilleuse. Il savait, ce que savent tous les peintres, qu’une certaine substance résineuse de couleur noire, le bitume de Judée, exposée à l’action de la lumière, y blanchit assez promptement ; il savait ce que savent tous les chimistes, que la plupart des composés d’argent, naturellement incolores, noircissent par l’action des rayons lumineux. Voici comment il tira parti de cette propriété. Il s’occupa d’abord d’un objet assez insignifiant en apparence, mais qui avait l’avantage de préparer et d’éprouver les procédés pour l’avenir : il s’appliqua à reproduire des gravures. Il vernissait une estampe sur le verso pour la rendre plus transparente, et l’appliquait ensuite, sur une lame d’étain recouverte d’une couche de bitume de Judée. Les parties noires de la gravure arrêtaient les rayons lumineux ; au contraire, les parties transparentes ou qui ne présentaient aucun trait de burin les laissaient passer librement. Les rayons lumineux, traversant les parties diaphanes du papier, allaient blanchir la couche de bitume de Judée appliquée sur la lame métallique, et l’on obtenait ainsi une image fidèle du dessin, dans laquelle les clairs et les ombres conservaient leur situation naturelle. En plongeant ensuite la lame métallique dans de l’essence de lavande, les portions du bitume non impressionnées par la lumière étaient dissoutes, et l’image se trouvait ainsi mise à l’abri de l’action ultérieure de la lumière. Cependant la copie photogénique des gravures n’était qu’un prélude à des opérations plus intéressantes. Le but à atteindre, c’était la reproduction des dessins de la chambre obscure. Tout le monde connaît la chambre obscure. C’est une sorte de boîte fermée de toutes parts, dans laquelle la lumière s’introduit par un petit orifice. Les rayons lumineux émanant des objets placés au dehors s’entre-croisent à l’entrée, et produisent une représentation en raccourci de ces objets. Pour donner plus de champ à l’image et pour en augmenter la netteté, on place devant l’orifice lumineux une lentille convergente. C’est donc là véritablement un œil artificiel dans lequel viennent se peindre toutes les vues extérieures. Ces images éphémères, il fallait les fixer ; la chambre obscure est un miroir, de ce miroir il fallait faire un tableau. Niepce résolut ce problème en 1821. Sur une lame de plaqué ou cuivre argenté, il appliquait une couche de bitume de Judée. La planche ainsi recouverte était placée dans la chambre noire, et l’on faisait tomber à sa surface l’image transmise par la lentille de l’instrument. Au bout d’un temps assez long, la lumière avait agi sur la substance sensible. En plongeant alors la plaque dans un mélange d’essences de lavande et de pétrole, les parties de l’enduit bitumineux que la lumière avait frappées restaient intactes ; les autres se dissolvaient rapidement. On obtenait donc ainsi un dessin dans lequel les clairs correspondaient aux clairs, et les ombres aux ombres ; les clairs étaient formés par l’enduit blanchâtre de bitume, les ombres par les parties polies et dénudées du métal, les demi-teintes par les portions du vernis sur lesquelles le dissolvant avait partiellement agi. Ces dessins métalliques n’avaient qu’une médiocre vigueur ; Niepce essaya de les renforcer en exposant la plaque à l’évaporation spontanée de l’iode ou aux vapeurs émanées du sulfure de potasse, dans la vue de produire un fond noir ou coloré, sur lequel les traits se détacheraient avec plus de fermeté et de vigueur ; mais il ne réussit qu’incomplètement. L’inconvénient capital de cette méthode photographique, c’était le temps considérable exigé pour l’impression lumineuse. Le bitume de Judée est une substance qui ne s’impressionne que très lentement à la lumière ; il ne fallait pas moins de dix heures d’exposition pour produire un dessin. Pendant cet intervalle, le soleil, qui n’attendait pas le bon plaisir de cette substance paresseuse, déplaçait les lumières et les ombres avant que l’image fût entièrement saisie. Le succès n’était jamais assuré d’avance. Ce procédé était donc fort imparfait ; néanmoins, comme on le voit, le problème photographique était résolu dans son principe. Envisageant dès-lors sa découverte sous tous les aspects, Niepce pensa qu’en appliquant l’art de la gravure à ses produits, il rendrait son invention plus utile et lui prêterait un développement sérieux. Ses tentatives dans cette nouvelle direction furent couronnées de succès. En attaquant ses plaques par un acide faible, il creusait le métal en respectant les traits abrités par l’enduit résineux. Il formait ainsi des planches à l’usage des graveurs. Cependant, à l’époque même où Niepce voyait ainsi réussir ses premiers essais photographiques, il y avait à Paris un homme que le genre tout spécial de ses connaissances et la nature de ses occupations habituelles avaient conduit à s’occuper de recherches analogues : c’était M. Daguerre. Peintre habile, il était depuis long-temps connu des artistes ; mais il ne s’était guère occupé que des décorations de théâtre. Les toiles remarquables qu’il avait composées pour l’Ambigu et pour l’Opéra lui avaient fait en ce genre une sorte de célébrité. Il avait surtout fondé sa réputation par l’invention du Diorama. On connaît les effets remarquables qu’il avait réussi à produire en représentant sur une même toile deux scènes différentes qui apparaissaient successivement sous les yeux des spectateurs par de simples artifices d’éclairage.Miroitage
L’invention de la photographie appartient à deux hommes dont les travaux et le rôle respectif dans cette grande découverte sont très nettement établis. Joseph-Nicéphore Niepce a, le premier, trouvé le moyen de fixer, par l’action chimique de la lumière, l’image des objets extérieurs ; Louis-Mandé Daguerre a perfectionné les procédés photographiques de Niepce, et a découvert dans son ensemble la méthode générale actuellement en usage. Joseph Niepce était un simple propriétaire de Châlons qui vivait retiré avec sa famille dans une maison de campagne aux bords de la Saône. Aidé de l’un de ses frères, Claude Niepce, qui possédait des connaissances étendues dans les arts mécaniques, il consacrait ses loisirs à des recherches de science appliquée. Les frères Niepce s’occupèrent ensemble, en 1806, de la construction d’une machine motrice dans laquelle l’air, brusquement chauffé, devait remplacer l’action de la vapeur. Cette machine attira l’attention de Carnot, qui en fit l’objet d’un rapport à l’Institut. La culture du pastel, à laquelle ils se livraient, leur donna ensuite l’occasion de préparer avec cette plante une matière colorante identique à l’indigo des Indes, question d’une haute importance à une époque où les guerres extérieures privaient le commerce français des produits coloniaux. Enfin, une invention des plus précieuses pour les beaux-arts vint changer la direction des travaux de Niepce. La lithographie venait d’être importée en France, et cet art curieux fixait alors toute l’attention des industriels et des artistes ; partout on fouillait les carrières pour y chercher du calcaire lithographique. Niepce fit divers essais de reproduction sur quelques pierres d’un grain délicat destinées à être broyées sur la route de Lyon. Ces tentatives ayant échoué, il imagina de substituer aux pierres un métal poli. Il essaya de tirer des épreuves sur une lame d’étain avec des crayons et des vernis lithographiques. C’est dans le cours de ces recherches qu’il conçut l’idée d’obtenir sur des plaques métalliques la représentation des objets extérieurs par la seule action des rayons lumineux. Par quelle série de transitions mystérieuses Niepce fut-il conduit, en partant de simples essais typographiques, à aborder le problème le plus compliqué, le plus inaccessible peut-être de la physique de son temps ? La question serait bien difficile à éclaircir. Niepce était fort éloigné d’être ce que l’on nomme un savant. Il appartenait à cette classe d’infatigables chercheurs qui, sans trop de connaissances techniques, avec un bagage scientifique des plus minces, s’en vont loin des chemins courus, par monts et par vaux, cherchant l’impossible, appelant l’imprévu ; Niepce, pour tout dire, était un demi-savant. La race des demi-savans est trop dédaignée ; il est peut-être bon de n’en pas trop médire. Les demi-savans font peu de mal à la science, et, de loin en loin, ils ont des trouvailles inespérées. Précisément parce qu’ils sont malhabiles à apprécier d’avance les élémens infinis d’un fait scientifique, ils se jettent du premier coup tout au travers des difficultés les plus ardues ; ils touchent intrépidement aux questions les plus élevées et les plus graves, comme un enfant insouciant et curieux touche, en se jouant, aux ressorts d’une machine immense, et parfois ils arrivent ainsi à des résultats si étranges, à de si prodigieuses inventions, que les véritables savans en restent eux-mêmes confondus d’admiration et de surprise. Ce n’est pas un savant qui a découvert la boussole, c’est un bourgeois du royaume de Naples ; ce n’est pas un savant qui a découvert le télescope, ce sont deux enfans qui jouaient dans la boutique d’un lunetier de Middlebourg ; ce n’est pas un savant qui a découvert les applications de la vapeur, c’est un ouvrier ; ce n’est pas un savant qui a trouvé la vaccine, ce sont les bergers du Languedoc ; ce n’est pas un savant qui a imaginé la lithographie, c’est un chanteur du théâtre de Munich ; ce n’est pas un savant qui a imaginé les aérostats, c’est une femme, Mme Montgolfier, un jour qu’elle s’avisa de faire sécher son jupon sur un panier ; ce n’est pas un savant qui a découvert le galvanisme, c’est un médecin de Bologne qui, en traversant sa cuisine, s’arrêta devant sa ménagère, occupée à préparer un bouillon aux grenouilles. Il est donc prudent de ménager un peu cette race utile des demi-savans. C’est peut-être parce que Niepce n’était qu’un demi-savant que la photographie existe. Si Niepce, par exemple, eût été un savant complet, il n’eût pas ignoré qu’en se proposant de créer des images par l’action chimique de la lumière, il se posait en face des plus graves difficultés de la science humaine ; il se fût rappelé qu’en Angleterre l’illustre Humphry Davy, le patient Wedgewood, après mille essais infructueux, avaient déclaré le problème insoluble. Le jour où cette pensée audacieuse entra dans son esprit, il l’eût donc reléguée aussitôt à côté des rêveries de Wilkins ou de Cyrano Bergerac ; il eût tout au plus poussé un soupir de regret et passé outre. Heureusement pour nous, pour la science, pour les arts, Niepce n’était savant qu’à moitié. Il ne s’effraya donc pas trop des difficultés qui l’attendaient. Il ne pouvait guère prévoir qu’une question en apparence si simple allait lui coûter vingt années de recherches, et que la mort le surprendrait avant qu’il eût reçu la récompense et la satisfaction légitime de ses travaux. Les essais photographiques de Niepce remontent à l’année 1813 ; c’est dans les premiers mois de 1814 qu’il fit ses premières découvertes. Les principes de ses procédés photographiques étaient d’une simplicité merveilleuse. Il savait, ce que savent tous les peintres, qu’une certaine substance résineuse de couleur noire, le bitume de Judée, exposée à l’action de la lumière, y blanchit assez promptement ; il savait ce que savent tous les chimistes, que la plupart des composés d’argent, naturellement incolores, noircissent par l’action des rayons lumineux. Voici comment il tira parti de cette propriété. Il s’occupa d’abord d’un objet assez insignifiant en apparence, mais qui avait l’avantage de préparer et d’éprouver les procédés pour l’avenir : il s’appliqua à reproduire des gravures. Il vernissait une estampe sur le verso pour la rendre plus transparente, et l’appliquait ensuite, sur une lame d’étain recouverte d’une couche de bitume de Judée. Les parties noires de la gravure arrêtaient les rayons lumineux ; au contraire, les parties transparentes ou qui ne présentaient aucun trait de burin les laissaient passer librement. Les rayons lumineux, traversant les parties diaphanes du papier, allaient blanchir la couche de bitume de Judée appliquée sur la lame métallique, et l’on obtenait ainsi une image fidèle du dessin, dans laquelle les clairs et les ombres conservaient leur situation naturelle. En plongeant ensuite la lame métallique dans de l’essence de lavande, les portions du bitume non impressionnées par la lumière étaient dissoutes, et l’image se trouvait ainsi mise à l’abri de l’action ultérieure de la lumière. Cependant la copie photogénique des gravures n’était qu’un prélude à des opérations plus intéressantes. Le but à atteindre, c’était la reproduction des dessins de la chambre obscure. Tout le monde connaît la chambre obscure. C’est une sorte de boîte fermée de toutes parts, dans laquelle la lumière s’introduit par un petit orifice. Les rayons lumineux émanant des objets placés au dehors s’entre-croisent à l’entrée, et produisent une représentation en raccourci de ces objets. Pour donner plus de champ à l’image et pour en augmenter la netteté, on place devant l’orifice lumineux une lentille convergente. C’est donc là véritablement un œil artificiel dans lequel viennent se peindre toutes les vues extérieures. Ces images éphémères, il fallait les fixer ; la chambre obscure est un miroir, de ce miroir il fallait faire un tableau. Niepce résolut ce problème en 1821. Sur une lame de plaqué ou cuivre argenté, il appliquait une couche de bitume de Judée. La planche ainsi recouverte était placée dans la chambre noire, et l’on faisait tomber à sa surface l’image transmise par la lentille de l’instrument. Au bout d’un temps assez long, la lumière avait agi sur la substance sensible. En plongeant alors la plaque dans un mélange d’essences de lavande et de pétrole, les parties de l’enduit bitumineux que la lumière avait frappées restaient intactes ; les autres se dissolvaient rapidement. On obtenait donc ainsi un dessin dans lequel les clairs correspondaient aux clairs, et les ombres aux ombres ; les clairs étaient formés par l’enduit blanchâtre de bitume, les ombres par les parties polies et dénudées du métal, les demi-teintes par les portions du vernis sur lesquelles le dissolvant avait partiellement agi. Ces dessins métalliques n’avaient qu’une médiocre vigueur ; Niepce essaya de les renforcer en exposant la plaque à l’évaporation spontanée de l’iode ou aux vapeurs émanées du sulfure de potasse, dans la vue de produire un fond noir ou coloré, sur lequel les traits se détacheraient avec plus de fermeté et de vigueur ; mais il ne réussit qu’incomplètement. L’inconvénient capital de cette méthode photographique, c’était le temps considérable exigé pour l’impression lumineuse. Le bitume de Judée est une substance qui ne s’impressionne que très lentement à la lumière ; il ne fallait pas moins de dix heures d’exposition pour produire un dessin. Pendant cet intervalle, le soleil, qui n’attendait pas le bon plaisir de cette substance paresseuse, déplaçait les lumières et les ombres avant que l’image fût entièrement saisie. Le succès n’était jamais assuré d’avance. Ce procédé était donc fort imparfait ; néanmoins, comme on le voit, le problème photographique était résolu dans son principe. Envisageant dès-lors sa découverte sous tous les aspects, Niepce pensa qu’en appliquant l’art de la gravure à ses produits, il rendrait son invention plus utile et lui prêterait un développement sérieux. Ses tentatives dans cette nouvelle direction furent couronnées de succès. En attaquant ses plaques par un acide faible, il creusait le métal en respectant les traits abrités par l’enduit résineux. Il formait ainsi des planches à l’usage des graveurs. Cependant, à l’époque même où Niepce voyait ainsi réussir ses premiers essais photographiques, il y avait à Paris un homme que le genre tout spécial de ses connaissances et la nature de ses occupations habituelles avaient conduit à s’occuper de recherches analogues : c’était M. Daguerre. Peintre habile, il était depuis long-temps connu des artistes ; mais il ne s’était guère occupé que des décorations de théâtre. Les toiles remarquables qu’il avait composées pour l’Ambigu et pour l’Opéra lui avaient fait en ce genre une sorte de célébrité. Il avait surtout fondé sa réputation par l’invention du Diorama. On connaît les effets remarquables qu’il avait réussi à produire en représentant sur une même toile deux scènes différentes qui apparaissaient successivement sous les yeux des spectateurs par de simples artifices d’éclairage.L’invention de la photographie
(19794)×(23165)×(20105)×(45132) L’invention de la photographie appartient à deux hommes dont les travaux et le rôle respectif dans cette grande découverte sont très nettement établis. Joseph-Nicéphore Niepce a, le premier, trouvé le moyen de fixer, par l’action chimique de la lumière, l’image des objets extérieurs ; Louis-Mandé Daguerre a perfectionné les procédés photographiques de Niepce, et a découvert dans son ensemble la méthode générale actuellement en usage. Joseph Niepce était un simple propriétaire de Châlons qui vivait retiré avec sa famille dans une maison de campagne aux bords de la Saône. Aidé de l’un de ses frères, Claude Niepce, qui possédait des connaissances étendues dans les arts mécaniques, il consacrait ses loisirs à des recherches de science appliquée. Les frères Niepce s’occupèrent ensemble, en 1806, de la construction d’une machine motrice dans laquelle l’air, brusquement chauffé, devait remplacer l’action de la vapeur. Cette machine attira l’attention de Carnot, qui en fit l’objet d’un rapport à l’Institut. La culture du pastel, à laquelle ils se livraient, leur donna ensuite l’occasion de préparer avec cette plante une matière colorante identique à l’indigo des Indes, question d’une haute importance à une époque où les guerres extérieures privaient le commerce français des produits coloniaux. Enfin, une invention des plus précieuses pour les beaux-arts vint changer la direction des travaux de Niepce. La lithographie venait d’être importée en France, et cet art curieux fixait alors toute l’attention des industriels et des artistes ; partout on fouillait les carrières pour y chercher du calcaire lithographique. Niepce fit divers essais de reproduction sur quelques pierres d’un grain délicat destinées à être broyées sur la route de Lyon. Ces tentatives ayant échoué, il imagina de substituer aux pierres un métal poli. Il essaya de tirer des épreuves sur une lame d’étain avec des crayons et des vernis lithographiques. C’est dans le cours de ces recherches qu’il conçut l’idée d’obtenir sur des plaques métalliques la représentation des objets extérieurs par la seule action des rayons lumineux. Par quelle série de transitions mystérieuses Niepce fut-il conduit, en partant de simples essais typographiques, à aborder le problème le plus compliqué, le plus inaccessible peut-être de la physique de son temps ? La question serait bien difficile à éclaircir. Niepce était fort éloigné d’être ce que l’on nomme un savant. Il appartenait à cette classe d’infatigables chercheurs qui, sans trop de connaissances techniques, avec un bagage scientifique des plus minces, s’en vont loin des chemins courus, par monts et par vaux, cherchant l’impossible, appelant l’imprévu ; Niepce, pour tout dire, était un demi-savant. La race des demi-savans est trop dédaignée ; il est peut-être bon de n’en pas trop médire. Les demi-savans font peu de mal à la science, et, de loin en loin, ils ont des trouvailles inespérées. Précisément parce qu’ils sont malhabiles à apprécier d’avance les élémens infinis d’un fait scientifique, ils se jettent du premier coup tout au travers des difficultés les plus ardues ; ils touchent intrépidement aux questions les plus élevées et les plus graves, comme un enfant insouciant et curieux touche, en se jouant, aux ressorts d’une machine immense, et parfois ils arrivent ainsi à des résultats si étranges, à de si prodigieuses inventions, que les véritables savans en restent eux-mêmes confondus d’admiration et de surprise. Ce n’est pas un savant qui a découvert la boussole, c’est un bourgeois du royaume de Naples ; ce n’est pas un savant qui a découvert le télescope, ce sont deux enfans qui jouaient dans la boutique d’un lunetier de Middlebourg ; ce n’est pas un savant qui a découvert les applications de la vapeur, c’est un ouvrier ; ce n’est pas un savant qui a trouvé la vaccine, ce sont les bergers du Languedoc ; ce n’est pas un savant qui a imaginé la lithographie, c’est un chanteur du théâtre de Munich ; ce n’est pas un savant qui a imaginé les aérostats, c’est une femme, Mme Montgolfier, un jour qu’elle s’avisa de faire sécher son jupon sur un panier ; ce n’est pas un savant qui a découvert le galvanisme, c’est un médecin de Bologne qui, en traversant sa cuisine, s’arrêta devant sa ménagère, occupée à préparer un bouillon aux grenouilles. Il est donc prudent de ménager un peu cette race utile des demi-savans. C’est peut-être parce que Niepce n’était qu’un demi-savant que la photographie existe. Si Niepce, par exemple, eût été un savant complet, il n’eût pas ignoré qu’en se proposant de créer des images par l’action chimique de la lumière, il se posait en face des plus graves difficultés de la science humaine ; il se fût rappelé qu’en Angleterre l’illustre Humphry Davy, le patient Wedgewood, après mille essais infructueux, avaient déclaré le problème insoluble. Le jour où cette pensée audacieuse entra dans son esprit, il l’eût donc reléguée aussitôt à côté des rêveries de Wilkins ou de Cyrano Bergerac ; il eût tout au plus poussé un soupir de regret et passé outre. Heureusement pour nous, pour la science, pour les arts, Niepce n’était savant qu’à moitié. Il ne s’effraya donc pas trop des difficultés qui l’attendaient. Il ne pouvait guère prévoir qu’une question en apparence si simple allait lui coûter vingt années de recherches, et que la mort le surprendrait avant qu’il eût reçu la récompense et la satisfaction légitime de ses travaux. Les essais photographiques de Niepce remontent à l’année 1813 ; c’est dans les premiers mois de 1814 qu’il fit ses premières découvertes. Les principes de ses procédés photographiques étaient d’une simplicité merveilleuse. Il savait, ce que savent tous les peintres, qu’une certaine substance résineuse de couleur noire, le bitume de Judée, exposée à l’action de la lumière, y blanchit assez promptement ; il savait ce que savent tous les chimistes, que la plupart des composés d’argent, naturellement incolores, noircissent par l’action des rayons lumineux. Voici comment il tira parti de cette propriété. Il s’occupa d’abord d’un objet assez insignifiant en apparence, mais qui avait l’avantage de préparer et d’éprouver les procédés pour l’avenir : il s’appliqua à reproduire des gravures. Il vernissait une estampe sur le verso pour la rendre plus transparente, et l’appliquait ensuite, sur une lame d’étain recouverte d’une couche de bitume de Judée. Les parties noires de la gravure arrêtaient les rayons lumineux ; au contraire, les parties transparentes ou qui ne présentaient aucun trait de burin les laissaient passer librement. Les rayons lumineux, traversant les parties diaphanes du papier, allaient blanchir la couche de bitume de Judée appliquée sur la lame métallique, et l’on obtenait ainsi une image fidèle du dessin, dans laquelle les clairs et les ombres conservaient leur situation naturelle. En plongeant ensuite la lame métallique dans de l’essence de lavande, les portions du bitume non impressionnées par la lumière étaient dissoutes, et l’image se trouvait ainsi mise à l’abri de l’action ultérieure de la lumière. Cependant la copie photogénique des gravures n’était qu’un prélude à des opérations plus intéressantes. Le but à atteindre, c’était la reproduction des dessins de la chambre obscure. Tout le monde connaît la chambre obscure. C’est une sorte de boîte fermée de toutes parts, dans laquelle la lumière s’introduit par un petit orifice. Les rayons lumineux émanant des objets placés au dehors s’entre-croisent à l’entrée, et produisent une représentation en raccourci de ces objets. Pour donner plus de champ à l’image et pour en augmenter la netteté, on place devant l’orifice lumineux une lentille convergente. C’est donc là véritablement un œil artificiel dans lequel viennent se peindre toutes les vues extérieures. Ces images éphémères, il fallait les fixer ; la chambre obscure est un miroir, de ce miroir il fallait faire un tableau. Niepce résolut ce problème en 1821. Sur une lame de plaqué ou cuivre argenté, il appliquait une couche de bitume de Judée. La planche ainsi recouverte était placée dans la chambre noire, et l’on faisait tomber à sa surface l’image transmise par la lentille de l’instrument. Au bout d’un temps assez long, la lumière avait agi sur la substance sensible. En plongeant alors la plaque dans un mélange d’essences de lavande et de pétrole, les parties de l’enduit bitumineux que la lumière avait frappées restaient intactes ; les autres se dissolvaient rapidement. On obtenait donc ainsi un dessin dans lequel les clairs correspondaient aux clairs, et les ombres aux ombres ; les clairs étaient formés par l’enduit blanchâtre de bitume, les ombres par les parties polies et dénudées du métal, les demi-teintes par les portions du vernis sur lesquelles le dissolvant avait partiellement agi. Ces dessins métalliques n’avaient qu’une médiocre vigueur ; Niepce essaya de les renforcer en exposant la plaque à l’évaporation spontanée de l’iode ou aux vapeurs émanées du sulfure de potasse, dans la vue de produire un fond noir ou coloré, sur lequel les traits se détacheraient avec plus de fermeté et de vigueur ; mais il ne réussit qu’incomplètement. L’inconvénient capital de cette méthode photographique, c’était le temps considérable exigé pour l’impression lumineuse. Le bitume de Judée est une substance qui ne s’impressionne que très lentement à la lumière ; il ne fallait pas moins de dix heures d’exposition pour produire un dessin. Pendant cet intervalle, le soleil, qui n’attendait pas le bon plaisir de cette substance paresseuse, déplaçait les lumières et les ombres avant que l’image fût entièrement saisie. Le succès n’était jamais assuré d’avance. Ce procédé était donc fort imparfait ; néanmoins, comme on le voit, le problème photographique était résolu dans son principe. Envisageant dès-lors sa découverte sous tous les aspects, Niepce pensa qu’en appliquant l’art de la gravure à ses produits, il rendrait son invention plus utile et lui prêterait un développement sérieux. Ses tentatives dans cette nouvelle direction furent couronnées de succès. En attaquant ses plaques par un acide faible, il creusait le métal en respectant les traits abrités par l’enduit résineux. Il formait ainsi des planches à l’usage des graveurs. Cependant, à l’époque même où Niepce voyait ainsi réussir ses premiers essais photographiques, il y avait à Paris un homme que le genre tout spécial de ses connaissances et la nature de ses occupations habituelles avaient conduit à s’occuper de recherches analogues : c’était M. Daguerre. Peintre habile, il était depuis long-temps connu des artistes ; mais il ne s’était guère occupé que des décorations de théâtre. Les toiles remarquables qu’il avait composées pour l’Ambigu et pour l’Opéra lui avaient fait en ce genre une sorte de célébrité. Il avait surtout fondé sa réputation par l’invention du Diorama. On connaît les effets remarquables qu’il avait réussi à produire en représentant sur une même toile deux scènes différentes qui apparaissaient successivement sous les yeux des spectateurs par de simples artifices d’éclairage.(19794)×(23165)×(20105)×(45132)
L’invention de la photographie appartient à deux hommes dont les travaux et le rôle respectif dans cette grande découverte sont très nettement établis. Joseph-Nicéphore Niepce a, le premier, trouvé le moyen de fixer, par l’action chimique de la lumière, l’image des objets extérieurs ; Louis-Mandé Daguerre a perfectionné les procédés photographiques de Niepce, et a découvert dans son ensemble la méthode générale actuellement en usage. Joseph Niepce était un simple propriétaire de Châlons qui vivait retiré avec sa famille dans une maison de campagne aux bords de la Saône. Aidé de l’un de ses frères, Claude Niepce, qui possédait des connaissances étendues dans les arts mécaniques, il consacrait ses loisirs à des recherches de science appliquée. Les frères Niepce s’occupèrent ensemble, en 1806, de la construction d’une machine motrice dans laquelle l’air, brusquement chauffé, devait remplacer l’action de la vapeur. Cette machine attira l’attention de Carnot, qui en fit l’objet d’un rapport à l’Institut. La culture du pastel, à laquelle ils se livraient, leur donna ensuite l’occasion de préparer avec cette plante une matière colorante identique à l’indigo des Indes, question d’une haute importance à une époque où les guerres extérieures privaient le commerce français des produits coloniaux. Enfin, une invention des plus précieuses pour les beaux-arts vint changer la direction des travaux de Niepce. La lithographie venait d’être importée en France, et cet art curieux fixait alors toute l’attention des industriels et des artistes ; partout on fouillait les carrières pour y chercher du calcaire lithographique. Niepce fit divers essais de reproduction sur quelques pierres d’un grain délicat destinées à être broyées sur la route de Lyon. Ces tentatives ayant échoué, il imagina de substituer aux pierres un métal poli. Il essaya de tirer des épreuves sur une lame d’étain avec des crayons et des vernis lithographiques. C’est dans le cours de ces recherches qu’il conçut l’idée d’obtenir sur des plaques métalliques la représentation des objets extérieurs par la seule action des rayons lumineux. Par quelle série de transitions mystérieuses Niepce fut-il conduit, en partant de simples essais typographiques, à aborder le problème le plus compliqué, le plus inaccessible peut-être de la physique de son temps ? La question serait bien difficile à éclaircir. Niepce était fort éloigné d’être ce que l’on nomme un savant. Il appartenait à cette classe d’infatigables chercheurs qui, sans trop de connaissances techniques, avec un bagage scientifique des plus minces, s’en vont loin des chemins courus, par monts et par vaux, cherchant l’impossible, appelant l’imprévu ; Niepce, pour tout dire, était un demi-savant. La race des demi-savans est trop dédaignée ; il est peut-être bon de n’en pas trop médire. Les demi-savans font peu de mal à la science, et, de loin en loin, ils ont des trouvailles inespérées. Précisément parce qu’ils sont malhabiles à apprécier d’avance les élémens infinis d’un fait scientifique, ils se jettent du premier coup tout au travers des difficultés les plus ardues ; ils touchent intrépidement aux questions les plus élevées et les plus graves, comme un enfant insouciant et curieux touche, en se jouant, aux ressorts d’une machine immense, et parfois ils arrivent ainsi à des résultats si étranges, à de si prodigieuses inventions, que les véritables savans en restent eux-mêmes confondus d’admiration et de surprise. Ce n’est pas un savant qui a découvert la boussole, c’est un bourgeois du royaume de Naples ; ce n’est pas un savant qui a découvert le télescope, ce sont deux enfans qui jouaient dans la boutique d’un lunetier de Middlebourg ; ce n’est pas un savant qui a découvert les applications de la vapeur, c’est un ouvrier ; ce n’est pas un savant qui a trouvé la vaccine, ce sont les bergers du Languedoc ; ce n’est pas un savant qui a imaginé la lithographie, c’est un chanteur du théâtre de Munich ; ce n’est pas un savant qui a imaginé les aérostats, c’est une femme, Mme Montgolfier, un jour qu’elle s’avisa de faire sécher son jupon sur un panier ; ce n’est pas un savant qui a découvert le galvanisme, c’est un médecin de Bologne qui, en traversant sa cuisine, s’arrêta devant sa ménagère, occupée à préparer un bouillon aux grenouilles. Il est donc prudent de ménager un peu cette race utile des demi-savans. C’est peut-être parce que Niepce n’était qu’un demi-savant que la photographie existe. Si Niepce, par exemple, eût été un savant complet, il n’eût pas ignoré qu’en se proposant de créer des images par l’action chimique de la lumière, il se posait en face des plus graves difficultés de la science humaine ; il se fût rappelé qu’en Angleterre l’illustre Humphry Davy, le patient Wedgewood, après mille essais infructueux, avaient déclaré le problème insoluble. Le jour où cette pensée audacieuse entra dans son esprit, il l’eût donc reléguée aussitôt à côté des rêveries de Wilkins ou de Cyrano Bergerac ; il eût tout au plus poussé un soupir de regret et passé outre. Heureusement pour nous, pour la science, pour les arts, Niepce n’était savant qu’à moitié. Il ne s’effraya donc pas trop des difficultés qui l’attendaient. Il ne pouvait guère prévoir qu’une question en apparence si simple allait lui coûter vingt années de recherches, et que la mort le surprendrait avant qu’il eût reçu la récompense et la satisfaction légitime de ses travaux. Les essais photographiques de Niepce remontent à l’année 1813 ; c’est dans les premiers mois de 1814 qu’il fit ses premières découvertes. Les principes de ses procédés photographiques étaient d’une simplicité merveilleuse. Il savait, ce que savent tous les peintres, qu’une certaine substance résineuse de couleur noire, le bitume de Judée, exposée à l’action de la lumière, y blanchit assez promptement ; il savait ce que savent tous les chimistes, que la plupart des composés d’argent, naturellement incolores, noircissent par l’action des rayons lumineux. Voici comment il tira parti de cette propriété. Il s’occupa d’abord d’un objet assez insignifiant en apparence, mais qui avait l’avantage de préparer et d’éprouver les procédés pour l’avenir : il s’appliqua à reproduire des gravures. Il vernissait une estampe sur le verso pour la rendre plus transparente, et l’appliquait ensuite, sur une lame d’étain recouverte d’une couche de bitume de Judée. Les parties noires de la gravure arrêtaient les rayons lumineux ; au contraire, les parties transparentes ou qui ne présentaient aucun trait de burin les laissaient passer librement. Les rayons lumineux, traversant les parties diaphanes du papier, allaient blanchir la couche de bitume de Judée appliquée sur la lame métallique, et l’on obtenait ainsi une image fidèle du dessin, dans laquelle les clairs et les ombres conservaient leur situation naturelle. En plongeant ensuite la lame métallique dans de l’essence de lavande, les portions du bitume non impressionnées par la lumière étaient dissoutes, et l’image se trouvait ainsi mise à l’abri de l’action ultérieure de la lumière. Cependant la copie photogénique des gravures n’était qu’un prélude à des opérations plus intéressantes. Le but à atteindre, c’était la reproduction des dessins de la chambre obscure. Tout le monde connaît la chambre obscure. C’est une sorte de boîte fermée de toutes parts, dans laquelle la lumière s’introduit par un petit orifice. Les rayons lumineux émanant des objets placés au dehors s’entre-croisent à l’entrée, et produisent une représentation en raccourci de ces objets. Pour donner plus de champ à l’image et pour en augmenter la netteté, on place devant l’orifice lumineux une lentille convergente. C’est donc là véritablement un œil artificiel dans lequel viennent se peindre toutes les vues extérieures. Ces images éphémères, il fallait les fixer ; la chambre obscure est un miroir, de ce miroir il fallait faire un tableau. Niepce résolut ce problème en 1821. Sur une lame de plaqué ou cuivre argenté, il appliquait une couche de bitume de Judée. La planche ainsi recouverte était placée dans la chambre noire, et l’on faisait tomber à sa surface l’image transmise par la lentille de l’instrument. Au bout d’un temps assez long, la lumière avait agi sur la substance sensible. En plongeant alors la plaque dans un mélange d’essences de lavande et de pétrole, les parties de l’enduit bitumineux que la lumière avait frappées restaient intactes ; les autres se dissolvaient rapidement. On obtenait donc ainsi un dessin dans lequel les clairs correspondaient aux clairs, et les ombres aux ombres ; les clairs étaient formés par l’enduit blanchâtre de bitume, les ombres par les parties polies et dénudées du métal, les demi-teintes par les portions du vernis sur lesquelles le dissolvant avait partiellement agi. Ces dessins métalliques n’avaient qu’une médiocre vigueur ; Niepce essaya de les renforcer en exposant la plaque à l’évaporation spontanée de l’iode ou aux vapeurs émanées du sulfure de potasse, dans la vue de produire un fond noir ou coloré, sur lequel les traits se détacheraient avec plus de fermeté et de vigueur ; mais il ne réussit qu’incomplètement. L’inconvénient capital de cette méthode photographique, c’était le temps considérable exigé pour l’impression lumineuse. Le bitume de Judée est une substance qui ne s’impressionne que très lentement à la lumière ; il ne fallait pas moins de dix heures d’exposition pour produire un dessin. Pendant cet intervalle, le soleil, qui n’attendait pas le bon plaisir de cette substance paresseuse, déplaçait les lumières et les ombres avant que l’image fût entièrement saisie. Le succès n’était jamais assuré d’avance. Ce procédé était donc fort imparfait ; néanmoins, comme on le voit, le problème photographique était résolu dans son principe. Envisageant dès-lors sa découverte sous tous les aspects, Niepce pensa qu’en appliquant l’art de la gravure à ses produits, il rendrait son invention plus utile et lui prêterait un développement sérieux. Ses tentatives dans cette nouvelle direction furent couronnées de succès. En attaquant ses plaques par un acide faible, il creusait le métal en respectant les traits abrités par l’enduit résineux. Il formait ainsi des planches à l’usage des graveurs. Cependant, à l’époque même où Niepce voyait ainsi réussir ses premiers essais photographiques, il y avait à Paris un homme que le genre tout spécial de ses connaissances et la nature de ses occupations habituelles avaient conduit à s’occuper de recherches analogues : c’était M. Daguerre. Peintre habile, il était depuis long-temps connu des artistes ; mais il ne s’était guère occupé que des décorations de théâtre. Les toiles remarquables qu’il avait composées pour l’Ambigu et pour l’Opéra lui avaient fait en ce genre une sorte de célébrité. Il avait surtout fondé sa réputation par l’invention du Diorama. On connaît les effets remarquables qu’il avait réussi à produire en représentant sur une même toile deux scènes différentes qui apparaissaient successivement sous les yeux des spectateurs par de simples artifices d’éclairage.L’invention de la photographie
Angle de vue L’invention de la photographie appartient à deux hommes dont les travaux et le rôle respectif dans cette grande découverte sont très nettement établis. Joseph-Nicéphore Niepce a, le premier, trouvé le moyen de fixer, par l’action chimique de la lumière, l’image des objets extérieurs ; Louis-Mandé Daguerre a perfectionné les procédés photographiques de Niepce, et a découvert dans son ensemble la méthode générale actuellement en usage. Joseph Niepce était un simple propriétaire de Châlons qui vivait retiré avec sa famille dans une maison de campagne aux bords de la Saône. Aidé de l’un de ses frères, Claude Niepce, qui possédait des connaissances étendues dans les arts mécaniques, il consacrait ses loisirs à des recherches de science appliquée. Les frères Niepce s’occupèrent ensemble, en 1806, de la construction d’une machine motrice dans laquelle l’air, brusquement chauffé, devait remplacer l’action de la vapeur. Cette machine attira l’attention de Carnot, qui en fit l’objet d’un rapport à l’Institut. La culture du pastel, à laquelle ils se livraient, leur donna ensuite l’occasion de préparer avec cette plante une matière colorante identique à l’indigo des Indes, question d’une haute importance à une époque où les guerres extérieures privaient le commerce français des produits coloniaux. Enfin, une invention des plus précieuses pour les beaux-arts vint changer la direction des travaux de Niepce. La lithographie venait d’être importée en France, et cet art curieux fixait alors toute l’attention des industriels et des artistes ; partout on fouillait les carrières pour y chercher du calcaire lithographique. Niepce fit divers essais de reproduction sur quelques pierres d’un grain délicat destinées à être broyées sur la route de Lyon. Ces tentatives ayant échoué, il imagina de substituer aux pierres un métal poli. Il essaya de tirer des épreuves sur une lame d’étain avec des crayons et des vernis lithographiques. C’est dans le cours de ces recherches qu’il conçut l’idée d’obtenir sur des plaques métalliques la représentation des objets extérieurs par la seule action des rayons lumineux. Par quelle série de transitions mystérieuses Niepce fut-il conduit, en partant de simples essais typographiques, à aborder le problème le plus compliqué, le plus inaccessible peut-être de la physique de son temps ? La question serait bien difficile à éclaircir. Niepce était fort éloigné d’être ce que l’on nomme un savant. Il appartenait à cette classe d’infatigables chercheurs qui, sans trop de connaissances techniques, avec un bagage scientifique des plus minces, s’en vont loin des chemins courus, par monts et par vaux, cherchant l’impossible, appelant l’imprévu ; Niepce, pour tout dire, était un demi-savant. La race des demi-savans est trop dédaignée ; il est peut-être bon de n’en pas trop médire. Les demi-savans font peu de mal à la science, et, de loin en loin, ils ont des trouvailles inespérées. Précisément parce qu’ils sont malhabiles à apprécier d’avance les élémens infinis d’un fait scientifique, ils se jettent du premier coup tout au travers des difficultés les plus ardues ; ils touchent intrépidement aux questions les plus élevées et les plus graves, comme un enfant insouciant et curieux touche, en se jouant, aux ressorts d’une machine immense, et parfois ils arrivent ainsi à des résultats si étranges, à de si prodigieuses inventions, que les véritables savans en restent eux-mêmes confondus d’admiration et de surprise. Ce n’est pas un savant qui a découvert la boussole, c’est un bourgeois du royaume de Naples ; ce n’est pas un savant qui a découvert le télescope, ce sont deux enfans qui jouaient dans la boutique d’un lunetier de Middlebourg ; ce n’est pas un savant qui a découvert les applications de la vapeur, c’est un ouvrier ; ce n’est pas un savant qui a trouvé la vaccine, ce sont les bergers du Languedoc ; ce n’est pas un savant qui a imaginé la lithographie, c’est un chanteur du théâtre de Munich ; ce n’est pas un savant qui a imaginé les aérostats, c’est une femme, Mme Montgolfier, un jour qu’elle s’avisa de faire sécher son jupon sur un panier ; ce n’est pas un savant qui a découvert le galvanisme, c’est un médecin de Bologne qui, en traversant sa cuisine, s’arrêta devant sa ménagère, occupée à préparer un bouillon aux grenouilles. Il est donc prudent de ménager un peu cette race utile des demi-savans. C’est peut-être parce que Niepce n’était qu’un demi-savant que la photographie existe. Si Niepce, par exemple, eût été un savant complet, il n’eût pas ignoré qu’en se proposant de créer des images par l’action chimique de la lumière, il se posait en face des plus graves difficultés de la science humaine ; il se fût rappelé qu’en Angleterre l’illustre Humphry Davy, le patient Wedgewood, après mille essais infructueux, avaient déclaré le problème insoluble. Le jour où cette pensée audacieuse entra dans son esprit, il l’eût donc reléguée aussitôt à côté des rêveries de Wilkins ou de Cyrano Bergerac ; il eût tout au plus poussé un soupir de regret et passé outre. Heureusement pour nous, pour la science, pour les arts, Niepce n’était savant qu’à moitié. Il ne s’effraya donc pas trop des difficultés qui l’attendaient. Il ne pouvait guère prévoir qu’une question en apparence si simple allait lui coûter vingt années de recherches, et que la mort le surprendrait avant qu’il eût reçu la récompense et la satisfaction légitime de ses travaux. Les essais photographiques de Niepce remontent à l’année 1813 ; c’est dans les premiers mois de 1814 qu’il fit ses premières découvertes. Les principes de ses procédés photographiques étaient d’une simplicité merveilleuse. Il savait, ce que savent tous les peintres, qu’une certaine substance résineuse de couleur noire, le bitume de Judée, exposée à l’action de la lumière, y blanchit assez promptement ; il savait ce que savent tous les chimistes, que la plupart des composés d’argent, naturellement incolores, noircissent par l’action des rayons lumineux. Voici comment il tira parti de cette propriété. Il s’occupa d’abord d’un objet assez insignifiant en apparence, mais qui avait l’avantage de préparer et d’éprouver les procédés pour l’avenir : il s’appliqua à reproduire des gravures. Il vernissait une estampe sur le verso pour la rendre plus transparente, et l’appliquait ensuite, sur une lame d’étain recouverte d’une couche de bitume de Judée. Les parties noires de la gravure arrêtaient les rayons lumineux ; au contraire, les parties transparentes ou qui ne présentaient aucun trait de burin les laissaient passer librement. Les rayons lumineux, traversant les parties diaphanes du papier, allaient blanchir la couche de bitume de Judée appliquée sur la lame métallique, et l’on obtenait ainsi une image fidèle du dessin, dans laquelle les clairs et les ombres conservaient leur situation naturelle. En plongeant ensuite la lame métallique dans de l’essence de lavande, les portions du bitume non impressionnées par la lumière étaient dissoutes, et l’image se trouvait ainsi mise à l’abri de l’action ultérieure de la lumière. Cependant la copie photogénique des gravures n’était qu’un prélude à des opérations plus intéressantes. Le but à atteindre, c’était la reproduction des dessins de la chambre obscure. Tout le monde connaît la chambre obscure. C’est une sorte de boîte fermée de toutes parts, dans laquelle la lumière s’introduit par un petit orifice. Les rayons lumineux émanant des objets placés au dehors s’entre-croisent à l’entrée, et produisent une représentation en raccourci de ces objets. Pour donner plus de champ à l’image et pour en augmenter la netteté, on place devant l’orifice lumineux une lentille convergente. C’est donc là véritablement un œil artificiel dans lequel viennent se peindre toutes les vues extérieures. Ces images éphémères, il fallait les fixer ; la chambre obscure est un miroir, de ce miroir il fallait faire un tableau. Niepce résolut ce problème en 1821. Sur une lame de plaqué ou cuivre argenté, il appliquait une couche de bitume de Judée. La planche ainsi recouverte était placée dans la chambre noire, et l’on faisait tomber à sa surface l’image transmise par la lentille de l’instrument. Au bout d’un temps assez long, la lumière avait agi sur la substance sensible. En plongeant alors la plaque dans un mélange d’essences de lavande et de pétrole, les parties de l’enduit bitumineux que la lumière avait frappées restaient intactes ; les autres se dissolvaient rapidement. On obtenait donc ainsi un dessin dans lequel les clairs correspondaient aux clairs, et les ombres aux ombres ; les clairs étaient formés par l’enduit blanchâtre de bitume, les ombres par les parties polies et dénudées du métal, les demi-teintes par les portions du vernis sur lesquelles le dissolvant avait partiellement agi. Ces dessins métalliques n’avaient qu’une médiocre vigueur ; Niepce essaya de les renforcer en exposant la plaque à l’évaporation spontanée de l’iode ou aux vapeurs émanées du sulfure de potasse, dans la vue de produire un fond noir ou coloré, sur lequel les traits se détacheraient avec plus de fermeté et de vigueur ; mais il ne réussit qu’incomplètement. L’inconvénient capital de cette méthode photographique, c’était le temps considérable exigé pour l’impression lumineuse. Le bitume de Judée est une substance qui ne s’impressionne que très lentement à la lumière ; il ne fallait pas moins de dix heures d’exposition pour produire un dessin. Pendant cet intervalle, le soleil, qui n’attendait pas le bon plaisir de cette substance paresseuse, déplaçait les lumières et les ombres avant que l’image fût entièrement saisie. Le succès n’était jamais assuré d’avance. Ce procédé était donc fort imparfait ; néanmoins, comme on le voit, le problème photographique était résolu dans son principe. Envisageant dès-lors sa découverte sous tous les aspects, Niepce pensa qu’en appliquant l’art de la gravure à ses produits, il rendrait son invention plus utile et lui prêterait un développement sérieux. Ses tentatives dans cette nouvelle direction furent couronnées de succès. En attaquant ses plaques par un acide faible, il creusait le métal en respectant les traits abrités par l’enduit résineux. Il formait ainsi des planches à l’usage des graveurs. Cependant, à l’époque même où Niepce voyait ainsi réussir ses premiers essais photographiques, il y avait à Paris un homme que le genre tout spécial de ses connaissances et la nature de ses occupations habituelles avaient conduit à s’occuper de recherches analogues : c’était M. Daguerre. Peintre habile, il était depuis long-temps connu des artistes ; mais il ne s’était guère occupé que des décorations de théâtre. Les toiles remarquables qu’il avait composées pour l’Ambigu et pour l’Opéra lui avaient fait en ce genre une sorte de célébrité. Il avait surtout fondé sa réputation par l’invention du Diorama. On connaît les effets remarquables qu’il avait réussi à produire en représentant sur une même toile deux scènes différentes qui apparaissaient successivement sous les yeux des spectateurs par de simples artifices d’éclairage.Angle de vue
L’invention de la photographie appartient à deux hommes dont les travaux et le rôle respectif dans cette grande découverte sont très nettement établis. Joseph-Nicéphore Niepce a, le premier, trouvé le moyen de fixer, par l’action chimique de la lumière, l’image des objets extérieurs ; Louis-Mandé Daguerre a perfectionné les procédés photographiques de Niepce, et a découvert dans son ensemble la méthode générale actuellement en usage. Joseph Niepce était un simple propriétaire de Châlons qui vivait retiré avec sa famille dans une maison de campagne aux bords de la Saône. Aidé de l’un de ses frères, Claude Niepce, qui possédait des connaissances étendues dans les arts mécaniques, il consacrait ses loisirs à des recherches de science appliquée. Les frères Niepce s’occupèrent ensemble, en 1806, de la construction d’une machine motrice dans laquelle l’air, brusquement chauffé, devait remplacer l’action de la vapeur. Cette machine attira l’attention de Carnot, qui en fit l’objet d’un rapport à l’Institut. La culture du pastel, à laquelle ils se livraient, leur donna ensuite l’occasion de préparer avec cette plante une matière colorante identique à l’indigo des Indes, question d’une haute importance à une époque où les guerres extérieures privaient le commerce français des produits coloniaux. Enfin, une invention des plus précieuses pour les beaux-arts vint changer la direction des travaux de Niepce. La lithographie venait d’être importée en France, et cet art curieux fixait alors toute l’attention des industriels et des artistes ; partout on fouillait les carrières pour y chercher du calcaire lithographique. Niepce fit divers essais de reproduction sur quelques pierres d’un grain délicat destinées à être broyées sur la route de Lyon. Ces tentatives ayant échoué, il imagina de substituer aux pierres un métal poli. Il essaya de tirer des épreuves sur une lame d’étain avec des crayons et des vernis lithographiques. C’est dans le cours de ces recherches qu’il conçut l’idée d’obtenir sur des plaques métalliques la représentation des objets extérieurs par la seule action des rayons lumineux. Par quelle série de transitions mystérieuses Niepce fut-il conduit, en partant de simples essais typographiques, à aborder le problème le plus compliqué, le plus inaccessible peut-être de la physique de son temps ? La question serait bien difficile à éclaircir. Niepce était fort éloigné d’être ce que l’on nomme un savant. Il appartenait à cette classe d’infatigables chercheurs qui, sans trop de connaissances techniques, avec un bagage scientifique des plus minces, s’en vont loin des chemins courus, par monts et par vaux, cherchant l’impossible, appelant l’imprévu ; Niepce, pour tout dire, était un demi-savant. La race des demi-savans est trop dédaignée ; il est peut-être bon de n’en pas trop médire. Les demi-savans font peu de mal à la science, et, de loin en loin, ils ont des trouvailles inespérées. Précisément parce qu’ils sont malhabiles à apprécier d’avance les élémens infinis d’un fait scientifique, ils se jettent du premier coup tout au travers des difficultés les plus ardues ; ils touchent intrépidement aux questions les plus élevées et les plus graves, comme un enfant insouciant et curieux touche, en se jouant, aux ressorts d’une machine immense, et parfois ils arrivent ainsi à des résultats si étranges, à de si prodigieuses inventions, que les véritables savans en restent eux-mêmes confondus d’admiration et de surprise. Ce n’est pas un savant qui a découvert la boussole, c’est un bourgeois du royaume de Naples ; ce n’est pas un savant qui a découvert le télescope, ce sont deux enfans qui jouaient dans la boutique d’un lunetier de Middlebourg ; ce n’est pas un savant qui a découvert les applications de la vapeur, c’est un ouvrier ; ce n’est pas un savant qui a trouvé la vaccine, ce sont les bergers du Languedoc ; ce n’est pas un savant qui a imaginé la lithographie, c’est un chanteur du théâtre de Munich ; ce n’est pas un savant qui a imaginé les aérostats, c’est une femme, Mme Montgolfier, un jour qu’elle s’avisa de faire sécher son jupon sur un panier ; ce n’est pas un savant qui a découvert le galvanisme, c’est un médecin de Bologne qui, en traversant sa cuisine, s’arrêta devant sa ménagère, occupée à préparer un bouillon aux grenouilles. Il est donc prudent de ménager un peu cette race utile des demi-savans. C’est peut-être parce que Niepce n’était qu’un demi-savant que la photographie existe. Si Niepce, par exemple, eût été un savant complet, il n’eût pas ignoré qu’en se proposant de créer des images par l’action chimique de la lumière, il se posait en face des plus graves difficultés de la science humaine ; il se fût rappelé qu’en Angleterre l’illustre Humphry Davy, le patient Wedgewood, après mille essais infructueux, avaient déclaré le problème insoluble. Le jour où cette pensée audacieuse entra dans son esprit, il l’eût donc reléguée aussitôt à côté des rêveries de Wilkins ou de Cyrano Bergerac ; il eût tout au plus poussé un soupir de regret et passé outre. Heureusement pour nous, pour la science, pour les arts, Niepce n’était savant qu’à moitié. Il ne s’effraya donc pas trop des difficultés qui l’attendaient. Il ne pouvait guère prévoir qu’une question en apparence si simple allait lui coûter vingt années de recherches, et que la mort le surprendrait avant qu’il eût reçu la récompense et la satisfaction légitime de ses travaux. Les essais photographiques de Niepce remontent à l’année 1813 ; c’est dans les premiers mois de 1814 qu’il fit ses premières découvertes. Les principes de ses procédés photographiques étaient d’une simplicité merveilleuse. Il savait, ce que savent tous les peintres, qu’une certaine substance résineuse de couleur noire, le bitume de Judée, exposée à l’action de la lumière, y blanchit assez promptement ; il savait ce que savent tous les chimistes, que la plupart des composés d’argent, naturellement incolores, noircissent par l’action des rayons lumineux. Voici comment il tira parti de cette propriété. Il s’occupa d’abord d’un objet assez insignifiant en apparence, mais qui avait l’avantage de préparer et d’éprouver les procédés pour l’avenir : il s’appliqua à reproduire des gravures. Il vernissait une estampe sur le verso pour la rendre plus transparente, et l’appliquait ensuite, sur une lame d’étain recouverte d’une couche de bitume de Judée. Les parties noires de la gravure arrêtaient les rayons lumineux ; au contraire, les parties transparentes ou qui ne présentaient aucun trait de burin les laissaient passer librement. Les rayons lumineux, traversant les parties diaphanes du papier, allaient blanchir la couche de bitume de Judée appliquée sur la lame métallique, et l’on obtenait ainsi une image fidèle du dessin, dans laquelle les clairs et les ombres conservaient leur situation naturelle. En plongeant ensuite la lame métallique dans de l’essence de lavande, les portions du bitume non impressionnées par la lumière étaient dissoutes, et l’image se trouvait ainsi mise à l’abri de l’action ultérieure de la lumière. Cependant la copie photogénique des gravures n’était qu’un prélude à des opérations plus intéressantes. Le but à atteindre, c’était la reproduction des dessins de la chambre obscure. Tout le monde connaît la chambre obscure. C’est une sorte de boîte fermée de toutes parts, dans laquelle la lumière s’introduit par un petit orifice. Les rayons lumineux émanant des objets placés au dehors s’entre-croisent à l’entrée, et produisent une représentation en raccourci de ces objets. Pour donner plus de champ à l’image et pour en augmenter la netteté, on place devant l’orifice lumineux une lentille convergente. C’est donc là véritablement un œil artificiel dans lequel viennent se peindre toutes les vues extérieures. Ces images éphémères, il fallait les fixer ; la chambre obscure est un miroir, de ce miroir il fallait faire un tableau. Niepce résolut ce problème en 1821. Sur une lame de plaqué ou cuivre argenté, il appliquait une couche de bitume de Judée. La planche ainsi recouverte était placée dans la chambre noire, et l’on faisait tomber à sa surface l’image transmise par la lentille de l’instrument. Au bout d’un temps assez long, la lumière avait agi sur la substance sensible. En plongeant alors la plaque dans un mélange d’essences de lavande et de pétrole, les parties de l’enduit bitumineux que la lumière avait frappées restaient intactes ; les autres se dissolvaient rapidement. On obtenait donc ainsi un dessin dans lequel les clairs correspondaient aux clairs, et les ombres aux ombres ; les clairs étaient formés par l’enduit blanchâtre de bitume, les ombres par les parties polies et dénudées du métal, les demi-teintes par les portions du vernis sur lesquelles le dissolvant avait partiellement agi. Ces dessins métalliques n’avaient qu’une médiocre vigueur ; Niepce essaya de les renforcer en exposant la plaque à l’évaporation spontanée de l’iode ou aux vapeurs émanées du sulfure de potasse, dans la vue de produire un fond noir ou coloré, sur lequel les traits se détacheraient avec plus de fermeté et de vigueur ; mais il ne réussit qu’incomplètement. L’inconvénient capital de cette méthode photographique, c’était le temps considérable exigé pour l’impression lumineuse. Le bitume de Judée est une substance qui ne s’impressionne que très lentement à la lumière ; il ne fallait pas moins de dix heures d’exposition pour produire un dessin. Pendant cet intervalle, le soleil, qui n’attendait pas le bon plaisir de cette substance paresseuse, déplaçait les lumières et les ombres avant que l’image fût entièrement saisie. Le succès n’était jamais assuré d’avance. Ce procédé était donc fort imparfait ; néanmoins, comme on le voit, le problème photographique était résolu dans son principe. Envisageant dès-lors sa découverte sous tous les aspects, Niepce pensa qu’en appliquant l’art de la gravure à ses produits, il rendrait son invention plus utile et lui prêterait un développement sérieux. Ses tentatives dans cette nouvelle direction furent couronnées de succès. En attaquant ses plaques par un acide faible, il creusait le métal en respectant les traits abrités par l’enduit résineux. Il formait ainsi des planches à l’usage des graveurs. Cependant, à l’époque même où Niepce voyait ainsi réussir ses premiers essais photographiques, il y avait à Paris un homme que le genre tout spécial de ses connaissances et la nature de ses occupations habituelles avaient conduit à s’occuper de recherches analogues : c’était M. Daguerre. Peintre habile, il était depuis long-temps connu des artistes ; mais il ne s’était guère occupé que des décorations de théâtre. Les toiles remarquables qu’il avait composées pour l’Ambigu et pour l’Opéra lui avaient fait en ce genre une sorte de célébrité. Il avait surtout fondé sa réputation par l’invention du Diorama. On connaît les effets remarquables qu’il avait réussi à produire en représentant sur une même toile deux scènes différentes qui apparaissaient successivement sous les yeux des spectateurs par de simples artifices d’éclairage.L’invention de la photographie

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